C’est quelque chose dans la posture. Bras ballants, paumes recourbées, silhouette de coton-tige un peu voûtée, mâchoire maussade en avant : John Backderf redevient le «Derf» de papier. Il n’est pourtant plus ce dessinateur confidentiel à casquette et bouc des années Clinton, écumant les malls de la Middle America adipeuse et avachie en quête d’anecdotes crétines pour ses strips indés (1). Le sexagénaire blanchi a plutôt des faux airs de David Lynch, lunettes professorales et sévère denim noir, en sommité du roman graphique qu’il est devenu sur le tard. Mais en mouvement, vers l’hôtel parisien où il suggère de se retrancher au sous-sol loin du brouhaha du café initialement proposé, on retrouve le collégien blasé, l’éboueur narquois, le branleur punk. Autant de silhouettes autobiographiques et passivement récalcitrantes qui peuplent ses cases.
Disons-le d’entrée : l’entretien, à l’occasion d’une tournée automnale des festivals et libraires spécialisés dans la bulle, fut un supplice partagé, l’intervieweur pourtant converti transformé en arracheur de dents malgré lui. «Derf est taciturne, c’est un euphémisme, il sourit une ou deux fois par jour, rassure Serge Ewenczyk, son éditeur de ce côté de l’Atlantique. Mais il est content d’être en France et flatté de voir tout ce qui se passe.» Nothing personal. Après tout, le Derf n’a pas chômé durant ce «vingt-trois ou vingt-quatrième voyage» au «paradis de la BD» (hyperbole lâchée sans u