En près de trente ans de carrière à «réparer» les rescapés de guerre en Syrie, au Yémen, en Irak et au Sud-Liban, Ghassan Abu Sitta pensait avoir été confronté au pire. Pendant quarante-trois jours dans la bande de Gaza, le médecin spécialisé en chirurgie plastique et reconstructive a découvert un niveau d’horreur sans précédent : «C’est la différence entre une inondation et un tsunami. Le nombre colossal de blessés, les enfants amputés, les visages défigurés… L’ampleur n’avait rien à voir», souffle l’homme de 54 ans, qui a repris du service dans sa clinique impeccable d’un quartier huppé de Londres.
Le médecin à la barbe grisonnante et aux épaisses lunettes noires est l’un des rares à témoigner de la situation apocalyptique dans l’enclave assiégée depuis le début de l’offensive militaire israélienne. Le Palestinien de naissance, devenu Britannique d’adoption, a sauté dans un avion le 7 octobre, quelques heures seulement après l’attaque sanglante du Hamas dans l’Etat hébreu. Il considère cette attaque comme «la conclusion logique de seize années de siège» imposé par Israël dans la bande de Gaza. «Je savais qu’il y aurait des représailles, même si j’imaginais une version plus ou moins similaire au conflit de 2014, se souvient celui qui a exercé à Gaza durant les trois précédentes guerres. J’avais de l’expérience et j’ai senti que j’avais un devoir à accomplir.» Embarqué parmi les équipes de Médecins sans frontières, il passe le check-point de Rafah,