C’est une maison traditionnelle, en pierre de taille, au jardin fabuleux, près de Haïfa. D’en haut, on voit la mer. Partout, des effluves de jasmin, celui qui s’enroule sur la rampe des marches extérieures, qui emmène vers la terrasse. Quand il peut, Elias Sanbar passe la voir, comme on visite une vieille amie. C’est là qu’il est né, quelques mois avant la «Nakba». Une fois, à la place de l’escalier de marbre blanc, il en a trouvé un autre, en béton, hideux. L’explication lui est fournie par les Palestiniens locataires, tributaires d’un loyer versé à l’administration israélienne des biens des absents : sous l’effet du délabrement, tout s’était effondré. «N’aie pas peur», lui soufflent les résidents, en lui montrant un tas de gravats. «On l’a gardé. Quand tu reviendras, tu le reconstruiras.»
C’est très loin de là qu’on le rencontre, dans une autre maison : Gallimard. En ce jour, la silhouette quasi herculéenne du poète et traducteur, figure emblématique du combat politique pour les droits de son peuple, passerait presque inaperçue dans les sous-sols obscurs où nous propulse une mondanité qui occupe le reste de l’espace. Si ce n’était ce quelque chose qui nous saisit en sa présence, et entraîne un bourdonnement enjoué autour de lui. Une aura.
Conteur né, tout est fable dans la voix chantante de