Dans la petite cuisine de l’appartement familial, Emilie Tran Nguyen observe sa grand-mère Françoise faire la cuisine. La vieille dame coupe les oignons, chauffe la poêle, verse de la sauce nuoc mam. Elle évoque quelques souvenirs de sa vie à Saigon, au Vietnam, avant de devoir partir en France à cause de la guerre en 1969 : les bruits d’affrontements, les traces de balles contre les murs, la fin de l’insouciance. La journaliste de France Télés est venue écouter ses souvenirs et parler à son aïeule de son documentaire, Je ne suis pas Chinetoque, histoire du racisme anti-asiatique. Emilie Tran Nguyen lui demande ce qu’elle en pense, tente de revenir sur le rapport de l’Hexagone avec les immigrés de ce continent et sur les clichés qui persistent :
«Tu sais, on dit tout le temps qu’on fait pas la différence entre les Chinois et les Vietnamiens, qu’on les met tous dans le même sac.
— Oui, oui», répond sa grand-mère.
— «Tu comprends qu’il y en a que ça énerve ?»
Moue dubitative de son interlocutrice. Relance :
«Tu t’en fiches ?
— Oui.
— On est un peu éduqué à ne pas faire de vagues, à bien travailler à l’école, à ne jamais se plaindre. Comme toi tu te plains jamais, même quand on se moque de nous, c’est pas grave. Toi, tu penses qu’il faut continuer comme ça ?
— Je vais goûter un peu pour voir.»
Emilie Tran Nguyen rit. Françoise goûte le plat.
«Alors ?» demande sa petite-fille.
— Alors je mets un peu de sauce, parce que le riz est fade.
— Tu t’en fiches de tous ces trucs-là», essaie e