En allongeant le pas dans ce XIe arrondissement où Ginette Kolinka, 98 hivers en février, habite depuis ses 10 ans, on s’interroge. S’il est compliqué d’aller humer l’histoire, il est tentant de sonder une énigme, celle d’un bonheur jamais battu en brèche. La rencontre se mérite. Il faut d’abord avaler de hautes marches de bois, que la dame escalade, paraît-il, avec des «Allez Ginette ! Ne lâche rien !» Puis sonner sans grand espoir. Sous l’œilleton, un message invite à insister, l’ouïe s’étant élimée, ou à appeler. Une évidence, puisque notre hôte est la mère de Richard Kolinka, le batteur du groupe Téléphone. Signée «J net», la bafouille contient une faute d’orthographe raturée, commentée d’un «1 fte, 100 lignes». Sur le seuil, tout est déjà dit. L’humour et le franc-parler, l’éducation sans palmes académiques et, en filigrane, la course affolée des ans.
La porte s’ouvre sur un sourire majuscule, et… des lacets défaits. Sans surprise, Ginette fait des papillotes de notre proposition d’aide. Chaque matin, elle enfile ses bas de contention, alors s’accroupir pour deux boucles enlacées, pensez-vous.
Arrêtée par la Gestapo à Avignon, elle a, à la Libération, repris sa vie là où elle l’avait laissée. L’aînée, résistante et communiste, avait disparu, les hommes avaient été gazés, mais sa mère et ses autres sœurs, restées en France, avaient récupéré le logis parisien. Longtemps, elle s’est tue, soucieuse de «ne pas embêter les gens». En 1997, la fondatio