La situation politique générale étant assez désespérée, Libération ressuscite des personnalités disparues pour qu’elles reprennent les choses en main.
Nous nous sommes ratées, Goliarda. J’apprenais juste à courir quand vous avez dévalé les escaliers dans une chute qui vous a coûté la vie, à 72 ans. Un malaise cardiaque. Comme si votre cœur s’était épuisé trop tôt, à trop aimer les hommes, les femmes, la liberté. Trop de battements gâchés dans vos batailles contre les normes, de palpitations perdues à vouloir être reconnue à votre juste valeur. Vous auriez eu 100 ans cette année. Je ne peux pas m’empêcher de vous imaginer revenir d’entre les morts. Comme un dernier pied de nez aux conventions. Vous seriez trop heureuse de décevoir les croyants qui crieront à un acte divin, et nous très chanceux de vous avoir à nouveau.
Sapienza, «sagesse», en italien. Vous en aviez, parce qu’il en faut quand on est en avance sur son temps. Mais ce n’est pas votre sagesse que j’implore ces temps-ci, c’est ta facilité à les envoyer se faire foutre. Les diktats, la religion, les bourgeois hypocrites, les puissants. Pardon, je te tutoie, tu veux bien ? Ce n’est pas un manque de respect, c’est la proximité qu’on s’invente avec nos idoles. Et puis, tu t’en fous des codes. Anarchiste, résistante, comédienne, romancière, prisonnière, féministe, «queer» même si le mot n’existait pas. Si subversive au siècle dernier, inaudible à l’époque de tous les carcans, jusqu’où irais-tu