D’abord, c’est Rodolphe Burger qui m’a fait le portrait de Jean-Luc Daub dans une auberge de Sainte-Marie-aux-Mines (Haut-Rhin). Après être passé plusieurs fois à vélo, pendant le confinement, devant cette belle ferme à deux kilomètres de celle où il a établi son studio d’enregistrement, le musicien a fini par s’arrêter pour aller voir qui y vivait et a été accueilli en ces termes par un petit homme à lunettes : «Je sais qui tu es. Je fais écouter ta musique à mes cochons.» Et Burger trace les grandes lignes de ce «François d’Assise», ancien enquêteur des abattoirs poussé à bout par son métier. Jusqu’à cette épiphanie : une nuit, à l’époque où il est au plus mal, Jean-Luc Daub s’effondre dans une prairie. Adossé à un arbre, il sent surgir à travers l’obscurité un cheval de trait qui se dirige lentement vers lui, vient le renifler, puis croque la pomme que l’homme gardait dans sa poche. C’est cette nuit-là que la vie de Jean-Luc Daub aurait pris un tournant, une vie désormais dédiée aux animaux d’élevage qu’il recueille chez lui, les sauvant d’une mort programmée.
Quand il raconte son histoire, tout est plus sinueux. Il s’inquiète : «T’arrives à comprendre le fil ?» Et s’interrompt souvent avec un sourire désolé qui veut dire qu’il a encore oublié la question, parce que dans sa tête «ça part en arborescences», la faute à son auti