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Le portrait

Jérôme Cazes, la nuit nous appartient

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Fin de viedossier
Le chef d’entreprise évoque la mort volontaire de ses parents octogénaires et se désole que la loi à venir n’autorise pas le suicide assisté.
Jérôme Cazes à Paris, le 23 avril 2024. (Christophe Maout/Libération)
publié le 21 mai 2024 à 15h38

Un matin froid, dans un palace parisien, le garçon d’étages a découvert deux corps allongés sur le lit, main dans la main. Bernard et Georgette Cazes, 86 ans, sont morts ensemble dans cette chambre du Lutetia, lieu si cher à Georgette qui y avait retrouvé son père après la guerre. Après soixante ans de mariage, ils sont partis arpenter l’éternité à deux, laissant un testament de colère pour dire qu’ils auraient voulu «une pastille létale», «une mort douce». Pas ce kit de suicide par asphyxie. Pas la clandestinité. Pas le risque que l’un d’eux soit ranimé par les secours. Les octogénaires n’étaient pas malades, mais ils voyaient leurs corps les abandonner et poindre un horizon de souffrance et de dépendance. Le suicide assisté étant interdit en France, ils se sont débrouillés seuls. C’était le 22 novembre 2013. Aujourd’hui, dans son salon d’Issy-les-Moulineaux, leur fils, Jérôme Cazes, 69 ans, se tient immobile tandis que les flashs de l’appareil photo lui chatouillent le visage. Aussi immobile que l’oiseau noir derrière lui, un corbeau taillé à la tronçonneuse – «une petite tronçonneuse» – par un artiste allemand. Une baie vitrée ouvre sur un jardin japonais qu’il a conçu lui-même, il y a plus de trente ans, au moment de l’achat de la maison. Longtemps, ses parents ont habité à quelques rues d’ici.

Georgette était professeure de lettres classiques, Bernard, haut fonctionnaire au Commissariat général au Plan. Dans l’imaginaire collectif, ils sont devenus «

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