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Le portrait

Jérôme Ferrari, îlot trésor

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L’écrivain s’inspire de la Corse, théâtre récurrent de son œuvre, pour scruter l’universel et l’altérité, non sans sarcasme.
L'écrivain Jérôme Ferrari, à Bastia, le 14 septembre 2024. (Raphaël Poletti/Libération)
publié le 6 octobre 2024 à 15h00

«French go home.» Cette aimable bafouille orne la porte de l’ascenseur fatigué qui monte les promeneurs du vieux port de Bastia à la Citadelle. Jérôme Ferrari, qui signe un roman acide sur ce que le surtourisme apporte de métastases aux relations humaines, en rit : «Les Corses ont tellement envie qu’on sache ce qu’ils pensent, qu’ils s’adressent aux anglophones !» Si l’accueil n’est pas aussi viril que sur North Sentinel, cet îlet du golfe du Bengale où le visiteur est transpercé par des flèches indigènes à peine l’orteil sur la plage, quel meilleur poste d’observation que la Corse pour triturer l’altérité ? Revenu s’installer à la Mère Patrie en 1988, après une adolescence en banlieue parisienne, le romancier y domicilie la plupart de ses livres, dont le dernier, Nord Sentinelle donc, en écho à ces lointains camarades d’hostilité.

Ferrari y ausculte «l’exaspération à partir de rien», un flux neutronique qui naît du télescopage entre virilité et promiscuité. Sur un port corse, que l’on devine truffé de capo spritz à 12 euros et de burgers à 26, Alexandre Romani poignarde Alban Genevey, au motif qu’il a introduit une bouteille en loucedé dans son resto. Le premier est un jeune corse bourru, confit dans la sédentarité et la certitude d’une ascendance mirifique. Le second est un étudiant en médecine, fils de résidents secondaires, ces néoconquistadors non désirés. Retranché derrière un narrateur misanthrope, Ferrari dépeint la décadence des hommes, us

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