Voilà, c’est fini. L’histoire d’amour aura duré trente-cinq ans, communion au crépuscule, chaque dimanche à 20 heures, dans l’intimité d’une cuisine, d’une baignoire, d’une voiture, au retour d’un week-end. Il surgissait après la petite mélodie de Mendelssohn, toujours fidèle, cultivé, élégant, passant admirablement les plats, indifférent aux cuisines de la com et du marketing, le compliment rare et l’esprit libre. Jérôme Garcin s’en va.
Adieu le Masque et la Plume, l’émission culte de France Inter qu’il a animée, depuis 1989, comme un show. Ses fans ne s’en remettent pas. Lui non plus. Avant-dernier enregistrement au théâtre de l’Alliance française, début décembre ; la foule l’attend, il la fend, impérial dans son pardessus marine, mèche bien peignée, sourire presque gêné. Des mains s’accrochent, des mots volent, des «bravo», «vous allez nous manquer», et «merci», merci pour les rires, la culture, les prises de bec, la mauvaise foi, la sincérité, «merci d’avoir accompagné ma vie». Là, un couple venu de Montréal, un étudiant rougissant, des femmes déposant des chocolats, du vin corse. La boîte mail de Radio France implose sous les messages racontant, par centaines, les souvenirs avec Garcin, les livres lus grâce à lui, les films, les pièces de théâtre, disant : «Votre seule voix est un refuge.» Garcin est bouleversé. Sur scène, sa voix, soudain vacille : «S’il vous plaît, ne me faites pas pleurer… Je dois faire l’émission.» Standing o