Dans la torpeur caniculaire d’août, le long du canal de l’Ourcq, tandis que l’eau serpente dans un Paris silencieux si ce n’était les sirènes des pompiers, rencontrer Joffrine Donnadieu oblige à se poser quelques questions fondamentales. Le type de questions que l’on enferme d’ordinaire dans le tiroir des rêves oubliés une fois l’adolescence romantique passée, au risque de faire basculer une existence : jusqu’où est-on prêt à aller pour écrire ? Doit-on passer à côté de vivre pour la littérature ?
Enfin, quand l’on écrit «vivre», on parle d’une vie comme les braves gens de Brassens l’attendent, ceux qui veulent que l’on suive la même route qu’eux, c’est-à-dire un travail, une famille, un logement. A 32 ans, Joffrine Donnadieu n’a rien de tout ça et, en la voyant arriver, blonde aux jolies boucles d’oreilles et à la chemise blanche élégante rentrée dans le jean, jamais on ne l’aurait deviné. L’autrice est au RSA, célibataire, sans enfant, vit chez des amis ou parfois à l’hôtel et ne vote pas. Mais elle a deux romans publiés chez Gallimard, dans la prestigieuse collection Blanche, et, à l’écouter, c’est tout ce qui compte et peut-être un peu plus.
En 2019, son premier, Une histoire de France, remarqué et difficile, évoque frontalement l’inceste. Le récit d’une petite fille, Romy, avec une mère dépassée et un père militaire, absent et alcoolique, violée par une voisine à Toul, en Meurthe-et-Moselle. Certains paragraphes aux descriptions chirurgicales ultra réalistes nous g