Avec ses grosses lunettes, qui font d’elle une Marguerite Duras jolie, elle vient d’un temps révolu, quand l’intelligentsia rayonnait à Paris et dans le monde. A 83 ans, Julia Kristeva se sent un peu dinosaure, dans l’ambiance saturée par les polémistes de droite. Mais elle tient. «L’intellectuel de gauche aujourd’hui, c’est moi», plaisante-t-elle. Inclassable linguiste, essayiste, romancière, analyste freudienne, multiprofesseure honoraire, Kristeva enchaîne des séminaires en duplex depuis Londres, Paris et New York. Loin des réseaux sociaux et de CNews, elle continue de penser, de publier et de parler en public, attirant une jeunesse en mal de boussoles idéologiques. Toujours à l’avant-garde. «Avec elle, rien n’est figé, elle est libre et elle libère», salue son ami l’artiste Adel Abdessemed, «Elle a une pensée très libre, issue de Mai 1968, avance Keren Mock, qui a passé une thèse de psychologie sous sa direction en 2006. Elle touche à des sujets d’actualité complexes et tabous, le féminin, le religieux, ce n’est pas évident aujourd’hui.» Yorick Secretin, jeune directeur des Editions Compagnon, vient de republier un ouvrage ardu, Polylogue, écrit en 1976. Pour cet ancien étudiant de philosophie à la Sorbonne, «soutenir l’œuvre de Julia Kristeva, c’est faire acte de dissidence, particulièrement
Le portrait
Julia Kristeva, elle en a cure
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Julia Kristeva, à Paris, le 23 décembre 2024. (Cha Gonzalez/Libération)
par Pascale Nivelle
publié le 8 janvier 2025 à 16h22
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