Sur la scène parisienne des Plateaux sauvages, les trois comédiennes de l’Arbre à sang s’assoient en ligne sur leur chaise, mi-mutines, mi-inquiètes. Cette mère et ses deux filles aux cheveux nattés et en habits de fermières ont quelque chose à nous dire. Elles regardent le sol. Ça y est, il est mort, cet «étron», ce «sombre paquet de merde», «ce fatras foireux de peau meurtrie et d’os brisés». Elles l’ont tué, ce mari et père, briseur de côtes et de rêves. Une balle dans le cou, c’est tout. Comment se débarrasser de ce corps invisible sur scène dont on imagine les contours sanglants ? Comment esquiver ces voisins intrusifs qui les interrogent sur le pas de leur porte ? Elles y parviendront. Dans ce conte qui pulvérise toute morale, écrit par l’Australien Angus Cerini et mis en scène par Tommy Milliot, la jouissance l’emporte sur la culpabilité. «Repose en paix papa crétin», assène l’une des deux sœurs, incarnée par Léna Garrel, benjamine des trois enfants du cinéaste Philippe Garrel.
Le lendemain, dans un restaurant italien du Xe arrondissement, on retrouve la lumineuse comédienne de 24 ans qui tient religieusement le script de la pièce. Elle souhaite perfectionner la prononciation d’une phrase, hésite sur le ton à adopter dans cette œuvre perturbante, qui convoque rire et dégoût. «Le but, c’est qu’on aime ces femmes, q