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Libération
Le portrait

Lolita Chammah, mater le silence

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L’actrice et fille d’Isabelle Huppert publie son premier livre, récit intime et politique sur le deuil périnatal, après le décès de son fils cadet, Kolia, né grand prématuré.
Lolita Chammah, à Paris, le 20 avril 2024. (Laura Stevens/Modds)
publié le 7 mai 2024 à 15h05

C’est un petit meuble couleur azur. A l’intérieur, les affaires d’un nouveau-né. Minuscules bodys et pyjamas pliés. Sur le dessus, ses ours en peluche, des livres, une étoile lumineuse, une bougie. Kolia a vécu 12 jours à l’automne 2022. Vie héroïque d’un grand prématuré à la maternité Port-Royal, achevée paisiblement dans les bras de sa mère. Chez ceux qui passent le seuil de son appartement parisien, près de la place de la République, Lolita Chammah observe tant de réactions face à ce meuble qui aurait dû être la commode de son fils. Certains marquent un temps d’arrêt et sourient, d’autres passent sans voir cette chapelle à la mémoire de l’enfant. Peur de ne pas trouver les bons mots ou de raviver une douleur, injonction muette à surmonter le deuil, il y a tant de raisons de ne pas regarder dans les yeux une mère et sa douleur.

«Je crois que ce qui m’a plus fait souffrir dans les mois que j’ai traversés, ou qui me fait encore souffrir, c’est le silence», observe l’actrice, visage familier du cinéma et du théâtre depuis vingt ans. Pour Kolia, pour son fils aîné, Gabriel, pour son compagnon, le réalisateur Julien Féret, pour d’autres parents endeuillés, «pour qu’on ne se taise plus», pendant des mois les mots ont jailli à tout moment sur des notes iPhone. Les voilà relus et domestiqués dans un livre, J’ai regardé la nuit tomber (Stock). «Ma façon de rester en vie, c’est d’en parler, de le dire. C’est presque un acte politique», écrit-elle, révulsée