Le rendez-vous a lieu dans un café à quelques pas de la Nouvelle Seine, à Paris, où il joue tous les vendredis soir. Au premier coup d’œil, ça a tout l’air d’un attrape-touristes mais Lou Trotignon y a ses habitudes. On l’attend, découvrant d’abord un bout de tissu noir pailleté, puis le reste de sa silhouette. Il est en retard, la faute aux embouteillages. Le voilà arrivé en Uber pour éviter les regards sur sa tenue, il a la trouille «d’avoir l’air gay» et d’en subir les conséquences. Ceux qui viennent voir Mérou, son spectacle sur sa non-binarité, connaissent cette crainte. Ils disent qu’ils ont appris à compter sur leurs propres forces. Ils disent qu’ils ont trouvé repère et compréhension dans son humour. Comme le fut la lettre de Michael Tolliver, extraite des Chroniques de San Francisco, dans les années 80.
Assigné femme à la naissance, Lou Trotignon se retrouve dans le mérou, ce poisson d’abord femelle puis mâle à la fin de sa vie – lui ne se reconnaît dans aucun genre. On le laisse parler de cette découverte aquatique. On le voit se soulever hors de l’eau, une Doc Martens noire sur la chaise, avant de replonger. Il nage à contre-courant, ses membres heurtent les «haters» en essayant de s’éloigner du rivage de la «normativité, de l’hétérosexualité». Une lumière crue passe à travers le feuillage des arbres de la terrasse. Il respire, revient à la surface avec nous en glissant deux mots sur son petit copain trans. Il fume une roulée qu’i