La petite voix timide de la septuagénaire, qui nous accueille, surprend par rapport à ses longs messages incisifs. Jusque-là, on n’avait échangé avec elle que par écrit, sur les réseaux sociaux. «Mais de quelle amélioration parlez-vous ?» nous avait interpellée l’inconnue après nous avoir vue sur un plateau de télévision évoquer les meilleures conditions de vie des Syriens depuis le renversement du régime de Bachar al-Assad, en décembre dernier. «A Jaramana [une grosse bourgade populaire et surpeuplée de la banlieue de Damas la capitale, ndlr], où j’habite, les conditions sont pires qu’avant. Depuis quatre mois, l’eau ne monte plus dans les étages. On doit faire remplir nos réservoirs par les camions-citernes, qui d’ailleurs la vendent assez cher. Nous n’avons pas plus d’électricité qu’avant, voire moins !» écrivait Lucianne Béranger dans un long message réprobateur.
Après plusieurs échanges et une curiosité aiguisée pour la personnalité de cette expatriée singulière, rendez-vous est pris chez elle à Jaramana, où la Française a déménagé en 2011 au début de la guerre civile. Elle vit en Syrie depuis quarante ans, partageant la vie des habitants même dans les années les plus dramatiques de leur histoire.
«Je me demande ce qui peut étonner les gens dans mon parcours», dit-elle, comme embarrassée