Maria Ressa scrolle dans ses souvenirs. Quand sa mémoire lui fait défaut, elle attrape l’un de ses deux smartphones et sonde sa vie saturée sur Google, en quête d’un nom, d’une date ou d’une photo oubliés. Il y a quatre ans, elle a même «ghosté» Bono sans le vouloir. Le chanteur de U2 l’avait conviée à son concert à Manille («le premier aux Philippines depuis la naissance du groupe !») mais l’invitation s’était noyée dans sa boîte mail qui affiche plus d’un million de messages non lus… Tornade tirée à quatre épingles, en veste de tailleur et mocassins, la journaliste philippino-américaine, 59 ans, préfère en rire et vous saisir le bras, complice, pour vous souffler une anecdote de plus.
Son Nobel de la paix, partagé avec le Russe Dmitri Mouratov, rédacteur en chef du journal Novaïa Gazeta, «pour leurs efforts en faveur de la liberté d’expression», ne l’a pas changée d’un pouce. «Des inconnus viennent tout le temps me voir, me poser des questions, mais j’aime apprendre, j’aime ces nouvelles connexions. Même fatiguée, j’ai du mal à dire non», admet la fondatrice du site d’investigation philippin Rappler.
En cet après-midi d’hiver, dans le salon d’un hôtel chic du VIIe arrondissement de Paris, Maria Ressa présente son nouveau livre, Résistez aux dic