Si Miguel Bonnefoy était l’un de ses personnages, il aurait un pouvoir magique : celui d’attirer la lumière grâce à sa pupille noire, bille d’onyx miroitant qui lui donne un air de chat. La vérité derrière la fable est toujours bêtement triviale : il y a une douzaine d’années, une opération destinée à corriger sa vue lui a donné pour toujours ce reflet dans un œil d’or, ou de verre, ça dépend de son humeur. Mais c’est ainsi que s’écrivent les destins de ceux qui sont nés sous une bonne étoile.
A l’époque, l’écrivain franco-vénézuélien, doublement couronné cet automne par le Grand Prix du roman de l’Académie française et le prix Femina pour le Rêve du jaguar, commence à se faire un nom. Depuis, la moisson de lauriers n’en finit pas. La saison des prix ? «Un récit collectif, un jeu national, lâche-t-il. Tout le monde met sa petite pièce dans la machine et quoi qu’il arrive, cinq romans vont se vendre à 100 000 exemplaires. Cela permet à des traducteurs d’émerger, à des maisons d’édition de grandir, de réinjecter de l’argent dans des bourses, des résidences. Pour des éditeurs étrangers, c’est de la science-fiction, un rêve.»
Quand on le retrouve dans un bistrot chic et feutré de Bastille, une bonne décennie après notre première rencontre (il butait alors sur un passage de ce qui deviendra son premier roman), il donne le ton. L’œil frise, le rire fuse, comme à la ma