Mikhaïl Nikanorov sourit en voyant défiler la pub sur le tramway de l’Alexanderplatz. Un soldat au garde-à-vous, fusil sur l’épaule et coiffé d’un béret, pose pour la nouvelle campagne de recrutement de la Bundeswehr : «Nous protégeons l’Allemagne.» C’est le monde à l’envers pour ce Russe de 24 ans qui vient d’échapper à la mobilisation en fuyant son propre pays. Dans un café à moitié désert du centre de la capitale, il prend le temps de répondre aux questions, même les plus désagréables. Belle gueule, 1,70 m environ, ni tatouages ni cheveux ras, il porte comme souvent un sweat noir. Ses mains tremblent de nervosité. Il n’est pas très politisé et s’étonne presque qu’on s’intéresse à un citoyen lambda comme lui.
Un traître ? Un déserteur ? Pourquoi n’est-il pas allé «défendre la patrie» en Ukraine ? «L’armée russe ne se défend pas, elle attaque», lâche-t-il. Pas un mot de plus. Un ange passe.
Le jour de la mobilisation, le 21 septembre, il a été réveillé par un coup de téléphone. Il était midi. Mikhaïl Nikanorov avait passé une partie de la nuit à jouer aux jeux vidéo, Apex Legends et Warcraft : «Je savais déjà ce que cet ami allait me dire. J’ai décroché sans le laisser parler. “Ça y est, on est dans la merde ? – Oui, c’est la mobilisation.”» Ce coup de fil a été le signa