Une jeune femme, regard charbon et rose aux joues, vous scrute droit dans les yeux. Le texte à l’écran, «J’étais en train de penser à…», détourne l’attention quelques secondes pendant qu’une petite musique entêtante vous accompagne bon gré mal gré vers l’histoire d’un tueur en série sadique. C’est la recette de Nej, tiktokeuse de 33 ans spécialisée dans les faits divers. Recette ou piège : chaque seconde visionnée indique à l’algorithme à quel point vous êtes friand d’histoires de crimes. Regarder la vidéo en entier et la commenter vous assure de voir Nej apparaître régulièrement dans le maléfique onglet «Pour toi», ce flux infini de vidéos dont la seule mission est de vous garder le plus longtemps possible sur TikTok en vous nourrissant jusqu’à plus soif des sujets qui semblent vous plaire. Sur l’application chinoise, Nejlaa Belhiba devient Nej, conteuse des crimes les plus vils, des assassins les plus cruels, des disparitions les plus mystérieuses.
On pourrait facilement penser que la créatrice reprend à peu de frais la formule des documentaires qui font les beaux jours de la TNT ou de Netflix, ou qu’elle modernise les recettes de Christophe Hondelatte ou de Fabrice Drouelle. Le sujet tient en vérité à un choc culturel de l’enfance. En Tunisie, à 8 ans, la petite fille découvre Shining en cassette vidéo. L’évocation du film interpelle, alors q