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Libération
Le portrait

Pierre Hardy, toujours au pied levé

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L’électron libre, créateur de sa propre marque de chaussures et aussi à l’œuvre chez Hermès, regrette une mode sous cloche, écrasée par le luxe.
Pierre Hardy à Paris, 13 novembre. (Audoin Desforges/Libération)
publié le 10 décembre 2023 à 11h00

La silhouette est impeccable d’équilibre, entre sveltesse et affûtage sportif. La mise – col roulé châtaigne, chino et mocassins noirs, lunettes de vue aviateur – est d’un raffinement palpable mais pas tape-à-l’œil. On serait styliste d’un magazine de mode, on casterait illico Pierre Hardy pour une série sur l’élégance masculine en 2023. Dans le même temps, boule à zéro, traits anguleux, nez aquilin, il ferait aussi l’affaire en séminariste résolument coupé du monde et de ses turpitudes.

L’habit ni l’allure ne font le moine, on sait. Mais il y a dans cet alliage quelque chose qui nous paraît essentiel de l’Hardy : un ancrage dans l’ici et maintenant couplé à une distance, pourquoi pas critique. Et à se fier au regard, on gage qu’il validerait, l’escogriffe qui dit : «Ce qui me réjouit passe souvent par l’œil. Ce sont des pulsions optiques.»

Son œil, à lui, est souvent amusé et accompagné d’un rire tonitruant. Un entrain d’impétrant alors que, de la cuvée 1956, il compte une bonne quarantaine d’années dans cette lessiveuse qu’est la mode, qui essore toujours plus vite ceux qu’elle a encensés. Hardy y contribue via sa marque de chaussures pour femme et homme (il fait accessoirement du sac à main), et via Hermès dont il est le directeur de création de la chaussure, de la bijouterie et de la joaillerie – il a aussi conçu les packagings de la toute récente ligne beauté.