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Le portrait du Libé des historien·nes

Roméo Mivekannin, à draps ouverts

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L’artiste peintre béninois, hanté par les «morts qui l’habitent», questionne l’altérité, la matérialité et la fluidité du genre, à partir des aïeux comme des grands maîtres de l’art.
Roméo Mivekannin, à Toulouse le 20 septembre 2024. (Ulrich Lebeuf /Myop pour Libération)
par Bénédicte Savoy, professeure d'histoire de l'art à l'Université technique de Berlin
publié le 9 octobre 2024 à 14h53

A l’occasion des «Rendez-vous de l’histoire», qui se tiennent à Blois du 9 au 13 octobre 2024, les journalistes de Libération invitent une trentaine d’historiens pour porter un autre regard sur l’actualité. Retrouvez ce numéro spécial en kiosque jeudi 10 octobre et tous les articles de cette édition dans ce dossier.

Dakar, 2022. Je le rencontre pour la première fois, ou plutôt sept fois : sa tête barbue me fixe, juchée sur le corps peint de six dames et d’une fillette hollandaises, vêtues de volumineuses robes à chevrons, zigzags et pois. C’est l’inauguration de la Biennale dans l’Ancien Palais de justice. Face à la toile monumentale, le commissaire de l’exposition explique au ministre sénégalais de la Culture pourquoi Roméo Mivekannin, avec ses femmes à barbe, ses supports de toile en vieux draps de lit trempés dans des sauces jaunâtres, ainsi que son époustouflante culture en histoire de l’art et de l’architecture, compte parmi les artistes les plus puissants de sa génération. Le jeune peintre béninois est présent. Immense et de lignée royale, il s’est écrasé dans l’angle le moins éclairé de la salle et semble vouloir disparaître dans le mur. J’essaie un peu de small talk. Flop. L’envie est là, mais les mots manquent. De toute évidence, le «small» n’est pas son format.

On se retrouve sur la terrasse du centre culturel HKW, à Berlin. Il est venu pour qu