Mon cher Sorj,
Tu es l’un de ceux qui ont fait ce journal. Tu y es entré parce que tu militais chez les maos et que tu savais dessiner. Tu y es resté, car tu aimais le journalisme et que tu savais y faire. Tu as été grand reporter, et l’un des meilleurs. «Un surdoué», me dira Philippe Lançon. Tu étais à Sabra et à Chatila, tu as suivi le procès Barbie et tu as souvent rallié cette Irlande républicaine qui te tenait tellement à cœur. Tu es resté trente-quatre ans dans la maison Libé. On s’y est côtoyés et on s’appréciait sans être forcément toujours en phase. Il y a eu des conflits, mais c’est le pain et le sel de cette rédaction. De toute façon, il est difficile de t’en vouloir longtemps, tu es trop charmeur, trop séducteur, trop malin. Tu avais l’art de retourner les assemblées générales et de faire triompher les thèses de la direction. Tu t’en amuses aujourd’hui quand tu détailles ta dépendance «à Serge». Serge July est celui qui t’a permis d’échapper à la violence qui guettait les fantassins de l’après-Mai 68, ceux qui auraient pu verser dans le sanglant des