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Le portrait

Ta-Nehisi Coates, à l’encre noire

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Rencontre rare avec le célèbre intellectuel et polémiste afro-américain, de Black Lives Matter à l’écriture du nouveau «Superman».
Ta-Nehisi Coates à Paris, le 22 septembre 2022. (Camille McOuat/Libération)
publié le 9 octobre 2022 à 19h04

La chaloupe a atteint l’île de Gorée, au large de Dakar, à l’heure blafarde où le soleil chasse les fantômes. Les boutiques sont closes, les musées fermés, aucun visiteur ne foule encore la terre rocheuse de cette larme dans l’Atlantique que trois siècles de traite négrière ont changé en mémorial de l’esclavage. Aucun sauf Ta-Nehisi Coates. «J’avais envie d’être seul, de marcher tranquillement, sans les groupes de touristes, dit l’écrivain afro-américain arrivé aux aurores. Vous savez, à 47 ans, je n’étais encore jamais allé en Afrique. J’ai attendu ce moment toute ma vie.»

Deux jours plus tard, la brume de Dakar – ou un brin d’émotion – flotte encore dans ses yeux doux qui vous agrippent comme des aimants. «C’est la première fois que je parle de ce voyage.» Cet après-midi de septembre, l’invité du festival de littérature America a plié son mètre 93 sur un confetti de chaise, dans une brasserie déserte du XIe arrondissement de Paris. L’auteur aurait dû venir en France l’an dernier pour défendre la Danse de l’eau, roman sur l’esclavage, sa première fiction, mais l’interminable pandémie («c’était Delta, j’étais flippé») l’a scotché à New York.

Au fond de la salle, des commis préparent le service du soir, et Coates, fou de cuisine, capable d’empoigner un barbecue pendant neuf heures pour cuire mollo une pièce de bœuf qui lui arrive à la ceinture, frémit à chaque rugissement de mixeur.

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