Vanessa Springora a une qualité rare. Elle ne porte pas de jugement. Mais tente de comprendre ce qui fait «qu’on consent au mal». Et s’en veut lorsqu’elle ne parvient pas à se détacher de ce qu’elle nomme son «manichéisme». Consentir au mal : la formule est ambiguë en ce qu’elle est susceptible de concerner autant le bourreau que la victime qu’elle a pu être, qu’elle n’est plus, du moins l’espère-t-elle, bien que les traces du traumatisme ne se laissent pas effacer. Rien ne se perd, tout se transforme, avec l’espoir que la souffrance prenne la tangente, s’éloigne pour de bon. Concrètement : cela signifierait de ne plus être insomniaque, pouvoir s’endormir au sens propre comme au figuré, être capable de faire pleinement confiance, renoncer à l’hyper vigilance, s’autoriser l’imprudence et même l’imprévoyance, le défaut de maîtrise. «Souffrance», cependant, ne fait pas partie de son vocabulaire. Vanessa Springora est trop secrète pour s’autoriser l’emphase, trop pudique pour supporter que la Terre entière lui témoigne de l’empathie, en dépit du succès planétaire du Consentement, son premier livre.
On est chez elle au rez-de-chaussée parfaitement rangé d’une ancienne boutique. Un chat s’étire en faisant les cent pas sur le bar. Jeans slim sur une silhouette fine – un petit quelque chose nous interdit d’écrire «juvénile» comme si, à son propos, l’adjectif était devenu une insulte. Rien ne dépare dans l’image, Vanessa Springora ressemble à son hab