Il faut monter très haut. Dépasser les hordes de touristes agglutinés dans les rues de Monastiraki et Plaka, les deux quartiers aux pieds de l’Acropole, et s’aventurer plus haut encore, même s’il n’y a rien, en apparence. Et soudain, voilà on y est : silence total, un dédale de ruelles tortueuses et surtout ces petites maisons blanchies à la chaux qui regorgent de roses et de jasmins et rappellent celles des pêcheurs. On pourrait effectivement se croire sur une île oubliée, au cœur même de la capitale grecque.
Ce n’est pas un hasard. Ces jolies demeures fleuries et proprettes forment un quartier un peu particulier: les «Anafiotika». On est bien dans un monde à part, en lien direct avec une petite île de 40 km2, à l’extrémité sud-est de l’archipel des Cyclades : Anafi, qui a donné son nom à cette enclave miraculeusement épargnée par la spéculation immobilière. Celle qui a permis de rénover Plaka, au pied de l’Acropole, comme le quartier piétonnier qui borde l’entrée du nouveau (et somptueux) musée inauguré en 2009. Une réhabilitation bienvenue qui en fait une zone très agréable, mais en l’offrant aux plus nantis, ceux qui se cachent désormais dans les imposantes villas néoclassiques aux couleurs vives.
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Anafiotika, c’est autre chose, et même depuis toujours un hommage aux prolétaires : ces ouvriers maçons réputés, réquisitionnés à partir de 1834, pour reconstruire Athènes détruite après la guerre de l’Indépendance contre les Turcs qui s’achève en 1821. Ce sont eux qui vont notamment construire le palais royal devenu aujourd’hui le siège du Parlement, la Vouli, sur la place de Sindagma au centre-ville. Ces bâtisseurs venus d’une île lointaine investissent aussi les hauteurs du rocher de l’Acropole et construisent eux-mêmes les maisons pour loger leurs familles avec leur savoir-faire traditionnel.
Aujourd’hui, nombreux sont leurs héritiers directs qui y vivent encore, préservés de l’expulsion par l’actrice Melina Mercouri devenue ministre de la culture après 1981 qui a sanctuarisé pour eux, ce périmètre sacré. On raconte que le chanteur des Doors, Jim Morrison, décédé à Paris en 1971, y aurait séjourné. On le comprend : voir Athènes de ce point de vue là, est un rare privilège.
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