La saison démarre, et déjà la montagne ressemble à un puzzle chaque jour plus noir que blanc. D'habitude, fin mars, la neige touche les fenêtres à l'étage. Là, on la cherche sur les cimes. «On n'a pas vu ça depuis vingt-cinq ans», a dit l'oracle de la vallée, Luigi Oreiller, garde-chasse retraité de Rhêmes-Notre-Dame. Depuis 1980, il note sur un cahier les pics d'enneigement dans le val d'Aoste. De trois à sept mètres selon les années. Cet hiver, on a à peine atteint le mètre soixante. Le froid a été terrible, jusqu'à moins 30 ! «Et une semaine après j'avais plus 27 sur la terrasse», dit Luca Bulgarelli, le directeur du refuge. C'est un montagnard, un guide, sec et précis. Il n'a pas d'explication pour le climat. Mais il ne raconte pas d'histoires aux clients. Le téléphone sonne toutes les dix minutes, et il répond dans toutes les langues. «Des nuages et pas de neige. Il faut monter à pied jusqu'au pont...» Ce soir, vendredi du week-end de Pâques, le refuge du Benevolo, 80 places, affichait complet. La moitié des skieurs ont annulé.
Dandy beatnik
Pas nous, qui arrivons harassés d'avoir grimpé trois heures depuis le village, chaussures de ski aux pieds et planches croisées sur le sac. Même avec une météo morose, il était hors de question de renoncer à un raid Jaccoux dans le Grand Paradis. Ce massif italien a un nom bien mérité. Et Claude Jaccoux est le plus chic des guides de Chamonix. Plusieurs tours du monde dans les mollets, mais aussi les plus grands sommets.