Kilian est de ces garçons qu’on vous déconseille de suivre. Sous peine de perdre votre souffle. Fin août, dans les rues de Chamonix, il arrive comme une flèche, en baskets rouges et short gris, et s’empresse de s’excuser de son retard. Kilian Jornet, 26 ans, est monté s’entraîner avec des amis au sommet de l’aiguille de l’M, la descente a été plus lente que prévue, explique-il d’une voix douce, avec une pointe d’accent espagnol dans un français parfait. On compatit avec les amis : cavaler jusqu’à cette cime à 2 844 mètres d’altitude, n’a rien d’un jogging de santé ! Sauf pour ce gringalet à l’allure adolescente. Ce poids plume, 56 kilos pour 1,71 mètre, au visage fin et aux cheveux noir jais, a accompli, le 21 août, un aller-retour express au sommet du Cervin, l’un des «4 000 mètres» mythiques de l’alpinisme. La fusée en baskets a gravi et dévalé la pyramide en seulement 2 heures 52, explosant le record établi en 1995. Un mois plus tôt, même scénario à bout de souffle, entre Chamonix et le sommet du mont Blanc. En moins de cinq heures, quand la plupart des alpinistes mettent au minimum deux jours, avec une nuit en refuge, pour gravir le toit de l’Europe. Mieux vaut donc ne pas emboîter le pas du Bolt des sommets.
En montagne, Kilian Jornet est agile comme un chamois et heureux comme un enfant dans un magasin de jouets, la tête dans les nuages, toujours émerveillé. Il se désaltère en puisant l’eau des torrents, se nourrit de baies sauvages. En montée, il semble aspiré par les