Au temps de la marinière rayée et du retour plébiscité du made in France, existe-t-il toujours des fabricants de ski français ? Il y a bien la marque Dynastar chez Rossignol qui possède la dernière usine de skis en France. Mais à côté, il y a aussi l’artisanat, des petites mains, des « exotiques », comme ils se nomment eux-mêmes... Dans le Jura, la famille Vandel transforme blocs de frêne, de tilleul en ski de fond depuis des décennies. Mehdi, le fils, nous raconte l’histoire de cette petite entreprise familiale.
Pour visiter l’atelier de fabrication, il faut rejoindre le Haut-Jura, la station des Rousses, et le petit village de Bois d’Amont. Cette ville rue, située sur les méandres de l’Orbe, est réputée pour ses nombreux champions de ski, Léo Lacroix, Gérard Vandel ou Jason Lamy Chappuis.
L'histoire du fabricant de ski, elle, débute entre deux guerres. En 1937, Gabriel Vandel, menuisier, fabrique la première paire de ski pour ses voisins qui veulent se déplacer pendant le rude hiver jurassien. Prisonnier en Autriche au cours de la Seconde guerre mondiale, il y découvre la technique du lamellé collé: «plusieurs couches de bois empilées les unes sous les autres, poursuit Mehdi. Avant, les skis qu'il fabriquait, se résumaient à une planche cintrée à la vapeur, qui avait l'immense inconvénient de reprendre sa forme droite au bout de quelques descentes. En contrecollé, les skis ne bougent plus.»
Peu à peu, le ski se répand pour devenir un loisir de masse. A la fin des années 1950, les Vandel sont réputés et fournissent l’équipe de France. Le Jura étant plutôt plat, la marque s’oriente naturellement vers le ski de fond. En 1972, ils sont les premiers à fabriquer un ski de fond avec une semelle plastique, à la place du bois, qui permet une meilleure glisse. A cette époque, c’est l’âge d’or du ski. La demande est énorme et chaque massif a son fabriquant. Chez les Vandel, on fabrique jusque 12.000 paires de skis par an.
Mais le tableau change en 1985. Une succession de plusieurs hivers sans neige, un marché qui arrive à maturité font déposer le bilan à la petite société, en 1989. Elle se restructure pour renaître en 1991 avec des activités complémentaires qui lui permettent de se maintenir: construction de pièces de tir à l’arc, d’ameublement.
En 2001, les deux fils, Loïc et Mehdi, entrent dans l'entreprise. Ils décident de se consacrer uniquement aux skis, du sur-mesure et de la vente en direct. Une petite entreprise avec quatre salariés permanents, 450 000 euros de chiffre d'affaire à l'année. «Nous ne cherchons pas à lutter contre les mastodontes du ski, précise Mehdi. Nous utilisons encore du bois dans tous les skis. Nous faisons du qualitatif, avec du conseil personnalisé à l'acheteur.» Un de leur modèle est tout en bois et fait fureur. Du vintage 100% made in Jura.