Il l’a rêvée enfant, puis connue grandiose, hostile, spectaculaire. Après avoir traversé le Pôle nord, l’Antarctique, côtoyé les sommets de l’Himalaya, le Groenland ou la Patagonie, Jean-Louis Etienne, rencontré il y a tout juste un an à l'occasion d'un forum Libération) évoque son rapport à la montagne.
Comment est née cette passion pour la montagne ?
L'alpinisme me passionne depuis toujours. Enfant, j'étais déjà fasciné. Mais j'habitais à la campagne et cet attrait était une passion inassouvie. Je me projetais par le rêve en lisant des livres, Premier de cordée de Frison-Roche. Dans ma chambre, j'avais un poster du Mont Blanc et je visualisais les scènes sur la carte collée au mur. Je connaissais par cœur le nom des sommets, des glaciers, des refuges. Mes premières ascensions datent de la fin de mes études de médecine. Puis l'expédition sur la face nord de l'Everest en 1983 a constitué un tournant. C'est ensuite que je me suis tournée vers des expéditions polaires.
Dans votre dernier livre, Persévérer, vous racontez justement cette ascension. Qu’a-t-elle eu de si particulier?
Aller sur le toit du monde, c’était extraordinaire. En 1983, les Chinois venaient d’ouvrir l’accès à l’Everest par la face nord, du côté tibétain. On débarquait avec des camions de l’armée chinoise, directement à 5000 mètres d’altitude. Nous étions au mois de septembre et l’hiver arrivait. Il commençait à faire très froid. J’ai aimé vivre dans cette ambiance-là, sur ce camp de base, avec les meilleurs alpinistes français, et pouvoir suivre leurs tentatives. C’est un endroit majestueux, un défi énorme, un graal pour les alpinistes.
C’est cette idée de persévérance qui vous attire dans le milieu montagnard?
En altitude, 6000 mètres, c’est difficile, 7000 très difficile, 8000 terrible.... Quand on gravit des sommets, chaque pas est une épreuve, chaque effort demande un engagement physique. Quand j’ai suivi ces expéditions, je voyais ces gars qui partaient quatre, cinq jours. Ils revenaient épuisés, usés par le froid et les éléments, mais ils avaient vissé au corps cette envie de repartir et ça m’a épaté. C’est ce message que je voudrais faire passer. Quand quelque chose nous anime, il faut résister à la tentation de l’abandon, remettre sans cesse le rêve à la surface.