Ça me fait plaisir de parler montagne. Cela me manque… J’y suis allé juste avant d’attaquer l’Olympia. Je suis dans la vallée de la Maurienne, à Lanslebourg. C’est le dernier village avant l’Italie, donc il y a toujours de l’activité… Il n’y a rien de plus triste qu’une station hors saison. Alors que là, il y a les gens, les paysans du coin et les mélèzes qui commençaient à perdre leurs aiguilles. C’est sublime. L’orange, le vert, avec les lumières d’automne et les premières gelées, c’est extraordinaire. Ca commence à saupoudrer la Dent Parrachée que je vois de mon balcon…
Ski et hors piste
Je suis né à Bourg-en-Bresse, on n’était pas loin. J’ai commencé avec des skis en bois et les attaches devant qu’on rabattait, tchac, sur les godasses en cuir. J’avais quatre ans… J’ai commencé à skier à Val Cenis. J’y vais toujours. Ils n’ont pas beaucoup changé. Ils restent dans la tradition. Et puis, il faut dire, ils ne voient pas beaucoup le soleil. Ça éloigne un peu les touristes (rire)… Sinon, sur toutes les vallées de la Maurienne il y a plein de petites stations. Je me suis amusé à les faire, l’hiver dernier. On skie dans les forêts, les sapins, les arolles qui sentent tellement bon…
En 2007-2008, j’ai pris une année sabbatique et je me suis dit que j’aimais trop le ski, que je voulais essayer tous les endroits du monde, en hors-piste. J’ai fait la Turquie, le Canada (Alberta et la Colombie britannique), l’un de mes plus beaux souvenirs avec 1,20 mètre de poudreuse…, le Groënland, on y a même ouvert une voie! On était encordé, on en a bavé… Là-bas, ce qui est fabuleux, c’est de faire du ski et d’arriver jusqu’à la mer. Quand les glaciers tombent dans l’océan.
Et puis, plus près, la Suisse, l’Italie… J’aime découvrir ces petites stations et les faire découvrir à des amis. J’essaye d’éviter les vacances scolaires, c’est un luxe que je peux me permettre… J’ai eu la chance de skier avec Anselme Baud, un des guides mythiques de Chamonix qui a ouvert plein de voies au Mont Blanc. On a fait pas mal de hors-piste ensemble. Il a même inventé un virage quand on est dans des couloirs très raides, tac, ça tourne… Il m’a appris ça. Je me suis cassé la jambe à Avoriaz dans un bar le soir après avoir skié trois jours avec lui. Fracture de fatigue… C’est con, hein? C’est là que j’ai écrit le spectacle. J’étais immobile, bien obligé de travailler…
Sinon un peu de ski de rando, mais c’est vraiment dur… D’autant que je suis assez contemplatif dans ces cas, je m’arrête pour regarder le paysage…
Montagnes magiques
C'est vrai qu'il se passe quelque chose dès que j'approche de la montagne. Même sur les tableaux, les paysages de neige, les westerns qui se passent à la montagne… Tenez, Les bannis de la Sierra (rires). J'adore ça. Je ne peux pas expliquer. Quand on part de Lyon et que l'on arrive à Chambéry et que je commence à voir des sommets, ça y est… C'est tellement changeant.
J’ai fait le trek de l’Inca, une fois au Pérou. Plus jamais! Il faut que ça reste du plaisir. J’ai eu le mal des montagnes et j’ai du mal à me lever le matin… Je préfère les balades à la journée.
Au-dessus de chez nous, il y a des pierres à cupules, avec des empreintes préhistoriques de plusieurs milliers d’années, des pieds gravés, des inscriptions, datant des hommes préhistoriques. J’y suis allé il y a quelque temps avec un ami. Au retour, on a croisé soixante-dix chamois. C’était beau. Tout cela se mérite. Et puis, sinon… Tout. L’ambiance, le froid, les copains autour d’un feu. Cela fait partie des rituels. En montagne, il y a quelque chose qui rapproche…
Plantes
J'ai la chance de connaître les fleurs… La Haute Maurienne est réputée pour son climat favorisant 1000 espèces de fleurs. Cela vient de mon Grand-père (1) puis de Marc Veyrat. Il y a un proverbe latin qui dit «les fleurs sont les étoiles de la Terre». J'avais trouvé ça très joli. J'herborise, je cuisine un peu… Quand j'ai un doute j'appelle Marc (rire) mais on pourrait vraiment survivre avec les plantes. Ce qui est étonnant, c'est que les gens du coin ne connaissent plus trop. Il m'est arrivé de faire du ski avec des chasseurs alpins à Chambéry et je leur disais, «ça, vous savez ce que c'est?» «Bah, non.» «C'est du cynorrhodon, le fruit de l'églantier, des vitamines si vous êtes coincés…» J'en ramène toujours des sacs à la maison…
Maintenant, il faut connaître. Ne pas confondre les myrtilles et le raisin d’ours, la gentiane et le vératre… J’ai des petits carnets, c’est encore l’héritage du grand-père. Et puis, toutes ces odeurs, il y a quelque chose d’enivrant. Quelque chose de très fort.
(1) Laurent Gerra vient de publier chez Flammarion un beau livre de souvenirs familiaux, Cette année, les pommes sont rouges, récit de la vie de son grand-père pendant la Seconde guerre mondiale mêlé de ses souvenirs d'enfant.