Sa sœur (ma mère) lui avait dit :
- C’est pas compliqué pour nous trouver, la voiture est garée juste devant la maison.
Il était tombé un mètre cinquante de neige pendant la nuit. L’oncle Daniel était arrivé tôt le matin à Aiguilles-en-Queyras, où nous passions les vacances de carnaval.
- Mais qu’est-ce que t’as fait pour te mettre dans un état pareil ? lui avait demandé la mère, alors que, rouge écarlate, trempé comme une soupe, il avait fini par pousser la porte d’entrée.
- T’en as de bonnes, toi !… Tu verras, c’est facile, la voiture est garée juste devant la maison… Y’a fallu que je déneige toutes les bagnoles du patelin pour vous trouver !
Avant ce jour, l’oncle n’avait jamais fait de ski. Après non plus. Pour ne pas rater le spectacle, nous étions montés, mon frère et moi, les premiers sur le télésiège. Fidèles à leurs habitudes, les parents avaient fait une arrivée très réussie, le père enroulé autour du pylône de retour, et la mère restée plantée sur le siège. Enfin arriva l’oncle. Du grand art. Bien comme il faut, il avait relevé le garde-corps et s’était mis debout au moment où ses skis prenaient contact avec la neige. Il passa devant nous, raide comme la justice, en demandant :
- Et, maintenant, je fais quoi ?
La pente l’absorba et, suivant miraculeusement l’unique trace de dameuse, il disparut derrière une cassure.
On le retrouva beaucoup plus bas, grâce à sa silhouette, découpée bras en croix dans un mur de neige.
Dernier ouvrage paru : Titanesque, éditions Guérin.