Menu
Libération
Et si on allait à la neige?

Le ski de piste, c’est formidable!

Et si on allait à la neige?dossier
Dossiers liés
(Illustration Maud Lecarpentier pour Libération)
publié le 13 décembre 2016 à 9h13
(mis à jour le 13 décembre 2016 à 9h28)

Chronique décalée des sports d’hiver et de la vie en plein air, là-haut, dans nos montagnes... 
Par l’écrivain Cédric Sapin-Defour.

Autrefois on disait ski alpin mais comme les moniteurs d’Hautacam et de Super-Besse ont rouspété, désormais on précise simplement sur quoi on skie. Le ski de neige mettrait tout le monde d’accord non?

Dire piste universalisera la pratique du ski croyait-on. Sauf qu’aujourd’hui, sur une même piste, se côtoient des engins et des pratiques de tout style. A y perdre son alpin.

Rapide état des lieux de ce qui se skie sur piste, ça vous évitera de passer pour un bolos cet hiver. (Un bolos est une sorte de blaireau. Plutôt que de dire Meles meles qui est le nom scientifique du blaireau européen, la jeune génération a préféré se réapproprier la nomenclature zoologique et dire bolos. Une seule fois pour ne pas se fatiguer.)

Les premiers skieurs atypiques que vous remarquerez, talons libres un max et génuflexion intérieure pratiquent le télémark. On a coutume de dire que faire du télémark, c’est revenir aux origines du ski. Certains remontent tellement loin l’Evolution qu’ils se font quadrupèdes hurlant et vociférant à chaque virage.

Le nom Télémark est issu du comté norvégien où cette forme de ski a été inventée. Quel dommage ! Si le premier virage historique avait été réalisé quelques kilomètres plus à l'est, il se ferait du Østfold aujourd'hui et on se marrerait sacrément à écouter les autres parler de leur pratique.

Vous pourrez également croiser des skieurs en snowblades. On dit aussi miniskis ou patinettes mais plus rarement car ça fait tout rikiki alors que nous rêvons tous de grandeur. Ces skis qui ne déchaussent pas ont été inventés par le syndicat national des pisteurs car leur utilisation par les skieurs d'une semaine permet aux secouristes de maintenir un haut niveau de prestation, principalement dans la délicate réduction d'une fracture de jambe. L'excellence ne s'improvise pas.

Certaines pistes sont aménagées pour les adeptes du ski cross. Le ski cross c'est du ski à plusieurs skieurs qui ont décidé de partir simultanément – alors qu'habituellement on souhaite avoir la piste pour soi tout seul - sur une même piste, anormalement étroite, sinueuse et un tantinet bosselée où l'objectif est de finir tout seul, éventuellement en pétant la gueule ou les ligaments croisés des autres joueurs. Bizarre, les gars avaient l'air de bien s'entendre au départ. Etre bien lourd semble un atout.

Au bas des pistes sont également aménagés des snowparks pour pratiquer le freestyle dont l'objet est d'envoyer du gros. Ou du bois. Voire du diot pour les plus affamés.

Les anciens jeunes font toujours du snowboard, activité pensée dans les années 70 par des skieurs bavards mais peu souples qui en avaient assez de devoir se contorsionner pour discuter assis sur les pistes sans déchausser. Ou de planter l'arrière des skis, chose malaisée sur neige damée. Ainsi est né le surf (nom français du snow) où l'on peut s'assoir avec fluidité. Quitte à n'avoir rien à se dire.

Le monoski que l'on croyait disparu est de retour. A la question goofy ou regular ? posée aux apprentis surfeurs, certains ne sachant pas répondre (foutu classement PISA et ses froggies à la traîne) se retrouvent par défaut contraints de joindre et d'aligner les deux pieds. Ça donne ces types tout droit sortis d'une pub des années 80, jean moulant, veste fluo et 205 GTI à dérapages.

Dans la famille de ceux qui ont les deux pieds dans le même sabot sont apparus les adeptes du skwal, issu du croisement entre un snowboarder et un monoskieur sans doute alcoolisés ; cette pratique inspirée du ski nautique est ô combien visionnaire, le GIEC ayant fait le pari que notre neige à skis prendra de plus en plus l'eau dans les années à venir.

Des sortes de trottinettes sur neige sont également visibles aujourd'hui sur les pistes. On dit snowscoot, sans doute une invention du Chablais où l'on rêve en anglais. Le charme premier de cet appareil lourd et contondant est que son pratiquant ne lui est pas relié par une quelconque fixation. En cas de chute, cela permet de faire partager l'activité à une autre personne, souvent en aval, toute heureuse d'élargir son éventail de pratiques et son pneumothorax.

Enfin, il se peut qu'au joli milieu de cette famille glissante et bigarrée, vous trouviez un dinosaure entêté, deux skis, deux bâtons dont un planté académiquement à chaque virage : un skieur (tout court).

Bizarrement, il n’apparaît pas sur la liste rouge des espèces menacées établie chaque année par l’UICN1.

Ça, pour aller compter le Cacatoès des Philippines, y’a du monde mais quand il s’agit de protéger la Godille de Super Besse, les cœurs se glacent.

Derniers ouvrages 

de Cédric Sapin-Defour:

(JMEditions, 2014).

(JMEditions, 2015).

Et à paraître:

Gravir les montagnes est une affaire de style

(Editions Guérin, 2017).