Dans un des premiers chapitres de Alpini, le dernier roman de Gérard Guerrier paru aux éditions Glénat, un montagnard croisant le héros narrateur lui donne ce conseil avisé: «Si tu es appelé en Italie (la scène se déroule à l'automne 1914, la Première guerre mondiale vient de débuter mais la Péninsule est encore neutre), demande à être intégré dans les Alpini. La guerre, crois-moi, c'est une saloperie. Alors quitte à la faire, autant que ce soit en montagne…». Cette recommandation, que le jeune Milanais suivra quelques mois plus tard, résume en une phrase ce beau livre de fiction historique écrit sous le triple signe «des rocs, de la neige et du sang…»
En quelques mois en effet, par l'absurde jeu des alliances entre Etats, des nationalismes et de la bêtise militaire, une génération entière va être emportée dans un tourbillon d'acier, de boue et de mort. Si les personnages d'Alpini échappent à l'horreur des tranchées, ils ne pourront éviter la guerre et un combat de chaque instant avec d'autres ennemis sournois: le froid ou les avalanches.
Car dans les Alpes bergamasques, entre Italie, Suisse et Autriche, le véritable adversaire n’est pas le soldat autrichien, pauvre bougre de la vallée d’en face que le narrateur fréquentait avant guerre; mais bien l’hiver, les tenues de combat trop légères, les marches forcées et les nuits d’attente sous les étoiles glacées…
Evoquant son ouvrage, l'auteur expliquait récemment qu'il avait souhaité écrire un roman «à la manière des grands auteurs du XIXe siècle…» avec en tête Hemingway, Stendhal et Frison Roche. «La guerre, la découverte de l'amour et… la montagne, bien entendu!» Pari réussi pour la galerie de personnage qu'il nous propose; les histoires d'amitié et d'amour, les portraits esquissés de militaires, musiciens ou prostituées.
Enfin, dominant le tout du haut de ses crêtes balayées par les vents, le véritable héros du livre: ce massif alpin que Gérard Guerrier a parcouru toute sa vie; où il a grandi, travaillé et trouvé l’inspiration de son précédent ouvrage (1). Un cadre sauvage et fascinant, portant haut cette épopée historique qui n’attend qu’une suite: l’auteur abandonnant avec une certaine cruauté son personnage en plein conflit, au printemps 1916!
(1) L'Opéra alpin, éditions Transboréal (lire ici la critique).
Alpini,
de Gérard Guerrier, roman, éditions Glénat. 264 pages. 19,90 euros.
Cent après, toujours sur place, un des canons montés à dos d'homme durant la première guerre mondiale. Photo DR.