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ET SI ON ALLAIT À LA NEIGE?

Le ski de fond, c’est formidable (2/2)

Et si on allait à la neige?dossier
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(Maud Le Carpentier)
publié le 9 février 2017 à 9h59
(mis à jour le 9 février 2017 à 10h00)

Chronique décalée des sports d'hiver et de la vie en plein air, là-haut, dans nos montagnes...
Par l'écrivain Cédric Sapin-Defour.

S’il existe des zones à rails et d’autres sans rails sur les pistes de fond, c’est que deux types de skis coexistent. Et deux formes associées de déplacement.

Les skis à écailles, ceux des rails, sont des skis dont la semelle est structurée d’un relief pour éviter de reculer. Au début, on se demande si nos skis n’ont pas été montés la semelle à l’envers car on évite brillamment aussi d’avancer, certains vont jusqu’à moonwalker pour s’en assurer.

La technique associée à ce matériel est le ski alternatif. On dit aussi classique pour vous encourager aux arabesques. C’est grosso modo le geste de la marche, et sa vitesse. On dit alternatif car parfois on a l’espoir de glisser et parfois on n’y croit plus.

Sur la partie damée, il vous faudra user préférentiellement de skatings. Ce sont des skis plus courts même pour les grands avec des bâtons plus longs. Quand vous plantez les bâtons, la dragonne aux oreilles, on croirait à un hold-up.

Les skatings servent à faire du skating. Autrefois on disait pas du patineur mais les fondeurs, pas plus cons que les autres, ont vite compring qu’un sport sans –ing était voué à mouring, alors skating c’est bien. Pour faire simple, le skating c’est du canard pressé. Au début de vos pérégrinations nordiques, vous défendrez votre statut de palmipède à la démarche saccadée, contemplatif et équipé d’une marche arrière, pourquoi faire comme tout le monde ? Les skatings doivent être fartés pour bien glisser. Le fart c’est un truc plein de couleurs et de polyfluors que chevreuils et tétras-lyres adorent manger au printemps.

Le point commun entre skis à écailles et skatings est qu’il n’y a ni carres ni fixation du talon ce qui rendra vos progrès en ski de piste totalement inopérants pour ce sport pourtant cousin. Si les prescriptions sociales vous pèsent, il est possible d’inverser et d’expérimenter les écailles pour patiner et les skatings pour railler ; au départ vous ne verrez pas grande différence, cela confortera votre désir d’insoumission aux dictats du fond.

Malheureusement toute bonne chose a une fin et il vous faudra rentrer, boucler votre boucle.

Les dessinateurs de piste songeant à votre popularité jusqu’à plus soif, ont eu la bonne idée d’installer l’arrivée commune à toutes les pistes au bas de la plus raide des descentes, un virage serré pour ralentir, deux pour les plus stables et souvent un bar avec foule de skieurs et de curieux attablés, public qui ne cessera de vous remercier pour ce bouquet final flamboyant et votre sortie aussi explosive qu’enchanteresse.

Vous ramasserez vos lunettes, votre bonnet et les miettes de votre coccyx sous un panneau en bois avec ce petit bonhomme tout rond sorti d’une pub pour Cetelem « Bravo, vous êtes arrivés ! »

Ce n’est pas la forme que vous contestez.

C’est le fond.

Derniers ouvrages 

de Cédric Sapin-Defour:

(JMEditions, 2014).

(JMEditions, 2015).

Et à paraître:

«Gravir les montagnes est une affaire de style» (Editions Guérin, 2017).