Est-ce que quelque chose a changé dans le film de montagne?
D’abord, le marché outdoor est en pleine expansion, les gens veulent sortir des sentiers battus. Avant, on avait du 100% action, on en mettait plein la vue: de l’action, pas d’histoire, des images… C’était un peu lassant, en fait. Aujourd’hui, les réalisateurs et les athlètes se sont adaptés, on voit de plus en plus des films qui mettent en scène des destinations et des populations très peu vues ou connues. C’est une sorte de vague vers le partage et la découverte, de nouvelles zones et territoires. Notre festival présente aussi bien des films amateurs que professionnels, ce qui veut dire des films à 500 euros de budget ou… 500.000 euros! Ce sont des documentaires structurés avec début milieu et fin.
Vous êtes également producteur et skieur aventurier. Comment procédez-vous pour vos propres films?
On écrit en amont, on se renseigne sur l’endroit où on va. Et quand on y est, on est bien entendu soumis aux contraintes extérieures, à une météo changeante, par exemple. On doit s’adapter. Pour notre dernier long-métrage, en Patagonie, 60% du film a été modifié, il a fallu réimaginer l’histoire en plein tournage.
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Pourquoi cet engouement pour le «hors-piste» et la rando?
Si je regarde ma propre pratique, je pense qu’on est arrivé à une forme de saturation. Les habitants de la vallée d’Annecy ou de Chambéry, entre autres, prennent leurs skis de rando pour se retrouver seuls, sortir du quotidien… Les stations de ski elles-mêmes ont réagi en créant des parcours de randonnée et orientent leur marketing vers cela. Cette tendance rejoint une certaine mouvance du «bien-être», les écoles de ski proposent des initiations, les domaines skiables s’y mettent aussi, le phénomène prend de l’ampleur, les festivals se multiplient, les gens sont en attente.
Pour autant, cette pratique doit être un brin encadrée…
Je suis titulaire d'un brevet d'Etat de ski alpin. J'emmène des groupes. Il est sûr que lorsque des gens voient une vidéo de freeride, ils se disent: «je vais faire pareil…» Quand on est sur la plage face à un rouleau de cinq mètres, on n'y va pas. A la montagne, le danger est plus invisible, la neige est belle et étincelante… Nous travaillons en amont, mais on voit bien qu'il est difficile de convaincre les gens, qui entonnent souvent le même refrain: «tant qu'il ne nous est rien arrivé, on ne craint rien…»
Nous faisons de la prévention avec notre association «La Chamoniarde» (société de prévention et de secours en montagne), et l'immense majorité des personnes qui sont venues sur notre stand nous disent : «mais les premiers secours, les gestes, tout cela je connais…» Disons que, jusqu'à un certain point, la sécurité, ce n'est pas à la mode; il faudrait que tout le monde soit équipé avec du matériel de détection dans les avalanches (Arva). Ce sont les professionnels qui doivent encourager leurs clients. Mais, comme dans votre métier, il y a des bons et des moins bons… Quand on évolue avec un groupe, il y en a toujours pour vouloir plus. L'accident arrive vite. Les gens qui franchissent l'orange en montagne sont nombreux.