Menu
Libération
Freeride

«La montagne te dis: "viens, viens, n'aie pas peur" et puis Boum...»

Une saison à la montagnedossier
Dossiers liés
Le documentaire «Empire of winds» nous plonge dans le quotidien d'une expédition extrême en Patagonie.
(Tjabeljan / FLickr)
publié le 30 novembre 2018 à 13h09
(mis à jour le 30 novembre 2018 à 13h12)

Thibaud Duchossal et ses potes skieurs sont des types gonflés. C'est à croire qu'ils aiment se faire peur, que l'adrénaline leur fait pousser des ailes, et qu'ils mâchonnent sans fin cette phrase, comme un mantra destiné à repousser le mal: «si tu tombes, c'est la chute, si tu chutes, c'est la tombe».

Le Grand Sud, les lieux qu’ils ont choisis pour ce dernier opus, est cette étendue où se confondent imagination et réalité. Une région où prospèrent mythes et légendes, qui porte un nom de rêve: Patagonie, immense région de l’Argentine. Entre déserts et montagnes, les deux amis de Thibaud, Johannes Hoffmann et Lucas Swieykowski, deux skieurs en quête d’aventure comme lui, embarquent pour un périple de 1500 kilomètres en direction du bout du monde. Ils veulent y tourner les images qui serviront de base à leur film «Empire of winds» (1), projeté la semaine passée en avant-première à Paris.

Mais entrer dans un territoire où le vent règne en maître n’est pas chose aisée. C’est une aventure remplie d’incertitudes. Le clou du spectacle se passe naturellement à la fin. C’est donc dans ces ultimes minutes du documentaire que se déclenche une avalanche, sous les pieds des skieurs. Ils ont de la chance. La coulée les épargne de peu.

Tout au long du récit, on mesure la difficulté de leur expédition. Le vent souffle comme jamais sous ces latitudes, la neige ou la pluie ne cessent de brouiller leurs pistes, les fenêtres météo sont une denrée rare…

Qu'est ce qui les pousse donc à affronter de tels tourments, à effectuer d'aussi grands «sacrifices», à dormir dans des duvets trempés? «C'est compliqué de tourner en Patagonie parce que la météo est dégueulasse, et qu'il faut sans cesse modifier ce qu'on avait prévu. Tout prend énormément de temps», résume Thibaud Duchossal. «Là-bas, vous êtes tout seul, il n'y a pas d'hélicoptères, ni de secours». Le besoin de nouveauté peut-être? Les compères ont déjà descendu nombre de montagnes, notamment dans les Alpes, et leur instinct leur souffle qu'ils doivent essayer des lieux moins fréquentés, sortir des chemins balisés, de leur «zone de confort», comme disent les spécialistes.

Ainsi ce village de Patagonie, El Chalten, où rien n’existait voilà dix ans, crée de toutes pièces par l’Argentine juste pour que le Chili ne vienne pas y poser ses grosses pattes. Ce bout du monde si attachant, rendu célèbre par la proximité du Fitzroy (3405 mètres) est très apprécié des alpinistes en quête de sommets étonnants.

Au finale, le film de Laurent Jamet montre, une fois encore, s’il en était nécessaire, que la montagne dans toutes ses pratiques nous enseigne la modestie, la ténacité, et bien sûr, la solidarité. Autant de valeurs que Duchossal et ses compères partagent, avec au passage, des images particulièrement étonnantes de ces faces peu connues.

(1) Disponible en VOD à partir de décembre.