Menu
Libération
Beau livre

Les sept piliers de vie de François Damilano

Pages blanchesdossier
Dossiers liés
Guide, grimpeur, réalisateur ou éditeur... La biographie d'un alpiniste passionné.
(David Ravanel / collection Damilano)
publié le 14 décembre 2018 à 16h49

«Il va falloir faire une croix sur vos ambitions alpines…» En août 1981, au lendemain d'une méchante chute dans le glacier des Nantillons, la vie de grimpeur du jeune François Damilano semblait bien mal partie. Près de quatre décennies plus tard, les propos de ce kinésithérapeute peu inspiré sonnent toujours aux oreilles du montagnard: «Il n'y a pas une semaine de ma vie sans que je repense à ce moment».

Car depuis, François Damilano, à aujourd'hui 56 ans, est entré dans le petit cercle des grands noms de l'alpinisme français en inscrivant la cascade de glace comme une discipline nouvelle, est devenu guide, a vaincu l'Everest et s'est frotté à plusieurs 8000 dont le K2 (1), a monté une maison d'édition, rédigé des topos, est passé à la réalisation de documentaires sur la très haute montagne… Sept vies, a décompté l'alpiniste et écrivain Cédric Sapin-Defour qui lui consacre une superbe biographie richement illustrée chez Guérin-Paulsen.

«Connais-toi toi-même»

Sept vies donc pour cet artiste de la montagne passionné, modeste et talentueux, conteur et pédagogue… Sept vies marquées par nombre de voies spectaculaires, de réussites et de premières, accompagnées d'inévitables chutes, de deuils et de déceptions… Sept vies de réflexion aussi car François est tout sauf un sportif inconscient, un sale gosse jouant sa vie à pile ou face nord pour décrocher un Couv de magazine ou satisfaire un équipementier. «En montagne, je peux avoir peur, je ne veux pas mourir. Le solo, j'y vais pour moi, par plaisir de la maîtrise, par satisfaction de me sentir capable et non par défi. C'est une reconnaissance de moi face à moi-même. Le ça passe ou ça casse, la logique du pari n'ont jamais constitué une recherche personnelle…»

L'homme a depuis longtemps pris le temps de réfléchir à sa passion: les prises de risques inévitables, la starisation de la profession, les sponsors omniprésents, l'importance du récit, le poids des images et des mots. Et cette mort qui rôde et fauche les amitiés… «Les gens ayant décidé de vivre meurent plus tôt que les autres, note Cédric Sapin-Defour. Le monde est mal foutu.»

En refermant le livre, on est donc heureux de savoir que ces riches heures vont se poursuivre; que les dernières lignes évoquant son fils et sa fille respirent la vie «et sa magnifique fragilité, sa fugacité et l'impérieuse nécessité de l'honorer…» Et l'on se dit que si les chats ont sept vies, François Damilano pourrait bien, finalement, en avoir lui une bonne dizaine. Que l'on a hâte de découvrir à ses côtés.

Les sept vies de François Damilano

,

par Cédric Sapin-Defour.

Edition Guérin Paulsen.

384 pages. 39,50 euros.