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Quand les grandes expéditions découvraient le cinéma

Une saison en hiverdossier
La fondation Pathé propose à Paris jusqu’à la fin du mois des projections de films datant du début du vingtième siècle.
Image tirée du film L'Enfer blanc du Piz Palü, film muet dramatique allemand de 1929. (DR)
publié le 17 septembre 2019 à 14h23

Le cinéma d’expédition est un genre méconnu. La fondation Pathé a eu le bon goût de le mettre à l’honneur en proposant jusqu’à la fin du mois des projections (1) qui montrent l’audace de ces aventuriers du début du vingtième siècle, souvent entre-deux-guerres, partis explorer des contrées où personne n’avait jamais osé se rendre. De l’Afrique au Grand Nord, en passant par le sommet des montagnes, les films présentés offrent un large spectre des affres et des tourments, mais aussi des joies qu’ont dû ressentir ces hommes et femmes.

Avec «L’enfer blanc du Pitz Palu», une fiction d’Arnold Fanck et Georg Wilhelm Pabst, nous suivons pendant deux heures trente l’ascension de ce sommet des Alpes, à 3 905 m, dans la chaîne de la Bernina, à cheval entre l’Italie (Lombardie) et la Suisse (canton des Grisons). Ce film de 1929, qui, au passage, nous fait découvrir la sulfureuse Leni Riffenstahl – qui deviendra la cinéaste du Reich — en alpiniste chevronnée, nous emmène avec un jeune couple sur une montagne difficile. L’équipement de l’époque paraît bien sommaire : crampons, piolets, corde qui n’en finit pas de se rompre… difficile d’apprécier les difficultés rencontrées, car le film est muet.

Les organisateurs ont eu la bonne idée d’engager des pianistes, qui animeront toutes les projections. Ces derniers font partie de la classe d’improvisation de Jean François Zygel, du conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris, et ils soulignent avec brio les épreuves rencontrées par les protagonistes de l’histoire qui se déroule ainsi: Johannes Krafft est un passionné de haute montagne. En compagnie de son épouse Maria et du guide Christian Klucker, il entreprend l’ascension de la paroi nord du Piz Palu. Les hautes cimes ne sont pas toujours hospitalières. Un bloc de glace chute soudain, la cordée est rompue et Maria précipitée dans le vide. Elle disparaît dans une crevasse. Les secours ne parviennent pas à la sauver à temps. Krafft se sent responsable de la mort de son épouse. Chaque année, il retourne escalader le même sommet le jour anniversaire de ce deuil tragique. Dix ans après l’accident, Johannes rencontre un jeune couple, Hans Brandt et sa fiancée Maria (sic), qui lui demandent de l’accompagner dans son ascension…

Ces séances du cinéma d'expédition nous emmèneront aussi en Asie, avec «La croisière jaune», au pays de «Nanouk l'esquimau», à celui des «Chasseurs de têtes», ou bien dans les Balkans, avec «Kalabaka». En sortant de la salle de projection, on pourra prolonger l'expérience en consacrant du temps à l'exposition, pleine d'images inédites dont l'exotisme a sans doute contribué à influencer les films de fiction des années 1930, et, partant, façonner notre imaginaire de ce mot légendaire qu'est devenu le mot «expédition».

Fondation Seydoux Pathé, 73 avenue des Gobelins. Deux journées d'étude sur le cinéma d'expédition auront lieu les 19 (musée du quai Branly) et 20 septembre (fondation Seydoux Pathé) prochains. Informations sur le site.