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Autobiographie

«Bravo Papa !» Une vie passée à en sauver

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Pascal Sancho relate en détail son quotidien de guide-secouriste, ses victoires et ses souffrances.
publié le 20 novembre 2020 à 17h11

Trente ans de secourisme en montagne ! A grimper des parois, aligner des marches d’approche, atteindre par tous les temps des endroits inaccessibles pour sauver une vie. Et risquer parfois, souvent, la sienne. Pascal Sancho, guide de haute montagne dans les unités CRS de la police nationale, raconte tout cela avec une précision qui fait la force de son récit. Il n’a jamais rien noté de ses interventions, mais, une fois à la retraite, il s’est parfaitement souvenu de tout, dans les moindres détails. Les adolescents coincés lors d’une randonnée, les accidents d’hélicoptère qui emportent ses copains secouristes, l’enquête après la mort d’un alpiniste…

Le quotidien de Pascal Sancho est une succession d'histoires vertigineuses dans lesquelles, même si on remporte parfois des victoires, c'est toujours, à la fin, la montagne qui gagne. Le guide-secouriste se devait d'effectuer ce «devoir de mémoire» ne serait-ce que pour «encourager ceux qui continuent la mission» et aussi, confie-t-il, pour «l'aspect exutoire» de «tout ce qu'on vit» et de tous ceux qui y laissent leur vie en voulant préserver celle des autres. Depuis 1958, soixante secouristes, dont six de ses amis proches, ont ainsi payé le prix fort.

Mais ce qu'aborde Pascal Sancho, c'est aussi cette qualité propre au secouriste : savoir se débarrasser de ses peurs et de ses affects lors des interventions. «Dès qu'on est impliqué affectivement, dit-il, cette froideur qui fait que tu es bon, tu la perds. Tu perds tes compétences et donc tes moyens.» Cela peut arriver notamment lorsque des enfants sont impliqués. Il raconte : «L'enfant, quand il lui arrive un accident, il y a un côté injuste. Nous, secouristes, avons alors une pression supplémentaire, le ressenti est plus sensible.» Un jour, il intervient dans un canyon où sont bloqués des adolescents, l'un d'eux ressemble terriblement à son fils et, à son insu ou non, il le gardera à ses côtés durant toute l'intervention. A l'heure de la retraite, un sentiment de vide ? «Inconsciemment ou consciemment, cela te manque, c'est plus qu'une partie de ta vie. Quand je vois l'hélico passer, je lève le nez mais j'ai moins le frisson. La souffrance et la blessure, tu ne les regrettes pas.»

Le guide a le sentiment que sa carrière s'est déroulée «très vite», malgré un parcours où il a franchi toutes les étapes, du groupe opérationnel jusqu'au commandement. «Le secours, c'est la notion d'équipe, rappelle-t-il utilement. A plusieurs, on est plus fort. Même dans les passages à vide, tu peux trouver un sens. Tu serres les dents, tu avances.» Cette profession-là rassemble des athlètes de haut niveau qui n'en font pas une gloire, mais où le courage s'inscrit dans chaque intervention. «C'est un métier où tu as beaucoup de chance si tu arrives au bout et en bon état», conclut Pascal Sancho.

Cet article est issu de notre supplément «Une saison en hiver».