JEAN-PAUL DEMOULE, PROFESSEUR À L'UNIVERSITÉ DE PARIS-I, DIRECTEUR
DU LABORATOIRE DE RECHERCHES ARCHÉOLOGIQUES 12 DU CNRS.
C'était le 19 septembre 1991. Dans un col alpin à la frontière austro-italienne, à 3.350 mètres d'altitude, des alpinistes découvraient un cadavre émergeant partiellement d'une gangue de glace. Ce n'était ni un montagnard récemment décédé ni une momie égyptienne transportée là pour un canular comme on l'a cru un temps. C'était un homme qui vivait il y a 5.200 ans. Depuis, tandis que des scientifiques autrichiens continuent d'étudier cette momie unique au monde, l'homme des glaces a fait couler beaucoup d'encre.
Que n'a-t-on raconté à son sujet! Les uns y ont vu un berger, les autres un chasseur, un chaman en raison de ses tatouages ou encore un chercheur de cuivre. On a dit qu'il commerçait entre deux vallées ou qu'il avait été banni de sa tribu. Des Allemandes, paraît-il, auraient voulu se faire inséminer du sperme de cet homme préhistorique. On a glosé sur son sexe... prétendument disparu. Avait-il été castré, était-il homosexuel? Qu'on se rassure, en réalité, Hibernatus possède un très honorable attribut de 5 pouces de long (12,5 cm).
Deux niveaux de fanstasmes interviennent en archéologie. Le premier est collectif, le second individuel. La fonction collective, on la voit à l'oeuvre quand l'on recrée un passé parfois imaginaire comme l'ont fait Napoléon III puis Pétain en forgeant le mythe de «nos ancêtres les Gaulois». L'archéologie est devenue un ins