L'île de Tatihou. Le nom sonne exotique, fleure bon la Polynésie et
ses atolls. Mais inutile d'aller aux antipodes, pour la trouver, il faut percer la brume glacée qui enveloppe le Cotentin même en plein été, et souquer tout au bout de la presqu'île normande, jusqu'à la baie de Saint-Vaast-la-Hougue. C'est là, au pied du petit musée créé à son initiative que Michel L'Hour plonge inlassablement depuis cinq ans. Pour la plupart de ses collègues, archéologie sous-marine rime avec Méditerranée, épave avec Grecs ou Romains, trésor avec amphore. Lui a choisi les eaux froides de la Manche, inlassablement brassées par la houle, où l'on y voit à peu près autant qu'au fond d'une tasse de thé troublée par le nuage de lait. Masque sur le nez et détendeur en bouche, dans un concert de bulles, Michel L'Hour s'enthousiasme encore devant l'épaisseur d'un énorme madrier, s'extasie face à une poulie de drisse, se passionne pour la moindre cheville. Ici, point de galère romaine. Les membrures de l'épave F que l'archéologue survole en quelques coups de palmes sont sans doute les restes de L'Ambitieux de l'armada de l'amiral Tourville. L'un des cinq vaisseaux de la flotte de Louis XIV qui sombrèrent, le 3 juin 1692, incendiés par les Anglo-Hollandais. Cinq épaves qui tiennent une place à part dans le coeur de l'archéologue. «On finit par s'attacher», dit-il, des trémolos dans la voix. C'est que, sur les trois mille cinq cents heures de plongée qu'il a collectionnées en dix-sept ans, Michel L'Hour