L'électronique française va mal, il me faut quelqu'un comme vous,
quelqu'un du Sud, un peu paternaliste.» C'est ainsi que Jean-Pierre Chevènement avait recruté Daniel Estève pour s'occuper de l'électronique et de l'informatique au ministère de la Recherche. Du moins dans la version méditerranéenne de l'intéressé. C'était en 1983. Daniel Estève, spécialiste des composants électroniques, avait quitté son cher laboratoire toulousain l'année précédente pour «monter à Paris», au ministère de l'Education nationale d'abord, chez Alain Savary. «J'y suis allé plein d'enthousiasme, comme une fusée. Lorsque Chevènement m'a appelé, je me suis dit que c'était une chance. Et puis, concède ce faux modeste, ça flatte l'ambition.» Mais «pour un technicien», la vie dans un ministère ne s'écoule pas toujours sans grincements. «C'est dur de voir son avis d'expert régulièrement terminer dans les oubliettes parce que tel élu local n'est pas d'accord.» Le Monsieur électronique de la Recherche en avait «des crampes à l'estomac».
Alors, après avoir subi «trente fois l'obligation de réserve», le fier Catalan démissionne. Il a compris que les règles en vigueur dans les palais de la République n'étaient pas taillées pour lui. Visage carré entouré d'un collier de barbe blanche, lunettes sur le front dont les branches se perdent dans les boucles grises, chemise ouverte, Daniel Estève n'a pas vraiment le profil type du haut fonctionnaire. De son passage dans la capitale, il garde tout de même un motif de fi