Dans un silence à peine troublé par le murmure du vent, l'eau se retire vers le large, découvrant une immense plage de vase claire. La terre ferme est loin, à quelques kilomètres, couverte de fougères géantes. La baie provisoirement asséchée devient un vaste lieu de promenade pour les animaux qui déambulent sur le sol meuble, laissant l'empreinte de chaque pas derrière eux. Jusqu'à ce que le soleil transforme la boue molle en croûte dure, retenant à jamais les multiples traces animales, et que la marée suivante apporte une nouvelle couche de vase pour sceller le tout.
Cette scène imaginée n'est pas imaginaire. Même si la plage en question se situe aujourd'hui à 150 kilomètres des côtes de l'Atlantique, sur la commune de Crayssac, dans le Lot. Un bien petit saut dans l'espace, comparé à celui qu'il faut faire dans le temps pour retrouver la mer en ce lieu. Pas moins de 140 millions d'années. Seul le silence est encore intact. La forêt de chênes a remplacé depuis lontemps l'étendue marine. Du haut de la colline de Pégourdy, à une vingtaine de kilomètres à l'ouest de Cahors, ce n'est que verdure à perte de vue. Mais le paysage ne parlera pas. Il faut, pour entendre l'histoire extraordinaire de la plage de Crayssac, baisser le nez. Marcher à quatre pattes, dans la carrière béante qui mange le mamelon. Scruter sans fin le calcaire blanc pour y déceler enfin les traces improbables d'une vie disparue. Jusqu'à tomber sur ces centaines d'empreintes imprimées dans la roche qui raconten