En France, avec les chèvres, on fait du fromage. En Amérique, avec
le même lait, on veut faire des médicaments. Dans les tendres pâturages de la Nouvelle-Angleterre, à une heure de Boston, une ferme d'un genre très particulier s'est discrètement installée l'an dernier. En compagnie de quelques boucs destinés à honorer le troupeau, 575 chèvres y coulent des jours tranquilles. Si tout se passe comme l'a prévu la firme américaine Genzyme, qui a déjà investi près de 5 millions de dollars dans le projet, cette ferme, que rien ne distingue a priori de ses semblables, sera un jour la plus grande ferme d'animaux transgéniques du monde.
Transgéniques. Le mot a des relents de science-fiction. Il évoque des monstres à deux têtes, ou à quatre bras, et toute une cuisine futuriste de manipulations génétiques. Pourtant, à la ferme GTC (pour Genzyme Transgenic Corporation), on ne trouvera ni cheptel bizarroïde ni laboratoire de génétique futuriste. Un jour prochain, les mignonnes petites chèvres, porteront, au sein de leur génome, un ou plusieurs gènes humains, mais rien ici ne laisse soupçonner qu'au bout de cette allée banale, dans les bâtiments lumineux d'une impeccable ferme modèle, la fiction est en train de se transformer en science.
Le but de l'opération est simple (en théorie): faire fabriquer par les chèvres une série de médicaments destinés à l'homme (facteur de coagulations, produit anti-coagulant, anti-inflammatoires) qui seront excrétés en énormes quantités dans le lait de l'anima