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Libération

Au royaume des maths

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publié le 16 janvier 1996 à 23h54

«Il disait ­ comparant un problème de mathématiques à une noix ­

qu'il y a deux méthodes pour le résoudre: soit attaquer la coquille à coups de marteau et burin. Soit laisser la mer monter et dissoudre l'écorce de la noix. Bien sûr, c'était la deuxième solution qu'il préférait.» C'est en ces termes que le 6 janvier à l'université de Nice, le mathématicien belge Pierre Deligne, médaille Fields 1978 (équivalent du prix Nobel pour les mathématiques) actuellement en poste au très prestigieux Institut des hautes études de Princeton, a évoqué pour la première fois de façon officielle les paroles et travaux d'un homme considéré comme génial par ses pairs, en passe de devenir mythique, Alexandre Grothendieck. Dans la salle était présent le gratin des mathématiques, dont le vieux maître Henri Cartan et le très célèbre Jean-Pierre Serre, professeur au Collège de France, un des plus grands mathématiciens français. Tous réunis dans un bâtiment néo-classique flambant neuf du CNRS, à l'occasion du séminaire «Matériaux pour l'histoire des mathématiques au XXe siècle» (1), dédié à la mémoire de Jean-Alexandre Dieudonné, autre mathématicien très renommé, appartenant au groupe Bourbaki.

Dans le même temps, un malaise traversait les esprits, à l'évocation de Grothendieck. Parce que l'hommage n'allait pas à un homme mort, mais disparu, en quelque sorte, pour le reste du monde (2). «Vivant» ­ Pierre Deligne nous l'a assuré ­, mais caché dans un petit village du Vaucluse où il ne veut plus voir per