Deux volumineux ouvrages publiés par Patrick Tort dans les dix
dernières années montraient déjà son intérêt pour l'oeuvre darwinienne en tant que telle, mais aussi pour le phénomène darwiniste, c'est-à-dire l'audience du naturaliste anglais au-delà des sphères scientifiques et épistémologiques. Il s'agit d'abord de Darwinisme et société (PUF, 1992), oeuvre collective rassemblant, comme son titre l'indique, un vaste ensemble des problématiques philosophiques issues de la pensée darwinienne anthropologiques, morales, sociologiques, idéologico-politiques... Le second ouvrage de référence est Misère de la sociobiologie (PUF, 1985): où le mot est lâché, la sociobiologie (1) désignant la discipline contemporaine à prétention scientifique la plus répandue (elle compte des adeptes dans le monde entier), fondée sur une application du darwinisme aux sociétés humaines et plus particulièrement les théories de l'évolution et de la sélection naturelle.
Malgré l'effort récent de Pierre Jaisson, dans la Fourmi et le sociobiologiste (éd. Odile Jacob, 1993), de redorer en France le blason de cette théorie, Patrick Tort montre qu'il ne s'agit pas d'autre chose que de ce qu'il appelle une «idéologie» selon un partage qui trace une frontière entre la science entendue comme une pratique qui «produit du nouveau», et l'idéologie qui se contente de «remaniements». La sociobiologie serait en somme improductive, se réduisant à importer des concepts authentiquement opératoires en biologie (par exemple