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Libération
Interview

«Moi, psychiatre, je somatise""

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publié le 16 avril 1996 à 4h08

Gendri Litchanski a évité à toute une population la contamination.

«Bien sûr, j'ai été contaminé à Pripiat, mais les médecins d'ici (à l'institut de radiologie clinique de Kiev) disent que je suis un malade psychosomatique. Pour un psychiatre, ce n'est pas évident à admettre. J'ai 65 ans, je suis directeur de l'hôpital psychiatrique de Prilouki, dans la région d'Ouvroutch, et maire de ce village de six cents âmes. J'ai trois enfants et un petit-fils.

Le week-end du 25-26 avril 1986, j'étais à Pripiat, chez des amis. Au milieu de la nuit, on a aperçu par la fenêtre une immense lumière vers la centrale. Le dimanche matin, on va à la pêche. Vers 14 heures, on apprend par d'autres pêcheurs qu'il y a eu un incendie à la centrale. Je rentre récupérer mes affaires et je retourne vite à Prilouki, à 60 kilomètres. Il est 17 heures, une évacuation spontanée commence dans la ville alors que personne n'a d'informations précises.

Le lundi 27, une vingtaine d'ouvriers de la centrale qui habitent Pripiat mais sont originaires d'ici arrivent au village. Ils ont fui à pied. J'ordonne de les déshabiller et de les laver. J'ordonne aux habitants de se confiner chez eux. Je fais distribuer de l'iode à toute la population et à mes 750 malades. (Aujourd'hui, aucun des enfants du village n'est malade de la thyroïde, sauf un dont les parents n'ont pas obéi). Je n'avais reçu aucune instruction officielle, ni même aucune information. C'est venu plus tard.

En mai, on a enlevé la terre du village et de