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Libération
Portrait

Jean-Paul Troadec, 61 ans, biologiste, expert ès poissons, fustige contre vents et marées le fléau des côtes, la surpêche. Au point d'être mis en quarantaine. Il tempête, au nom de la mer

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publié le 1er octobre 1996 à 23h42

«Il faut que les chercheurs s'expriment en public. Sur Tchernobyl,

le sang contaminé, la vache folle ou la surexploitation des mers!» Yeux bleus, cheveux blancs et ton chaleureusement bourru, Jean-Paul Troadec cultive des airs de Gabin dans Pépé le Moko. Ce que ce biologiste de 61 ans dénonce, lui ­ et il s'y emploie depuis plus d'un quart de siècle ­, c'est justement la «surpêche». Un pillage des océans qui menace les stocks de poissons partout dans le monde.

Bardé de titres et de reconnaissance internationale ­ c'est un intervenant prisé dans les débats sur la mer, il conseille les gouvernements marocain, mauritanien et portugais pour la pêche et fut ancien directeur général adjoint de l'Ifremer (1)­, Troadec reçoit dans son minuscule bureau du centre Orstom (2) de Brest. Quinze mètres carrés situés près de la photocopieuse, face aux toilettes et à quelques mètres de la porte d'entrée du bâtiment.

Le gaillard en sourit, même si un rapide plissement de paupière trahit l'orgueil blessé. «Je suis mis à l'écart, c'est vrai, mais Troadec est non miscible au liquide ambiant», se reprend-il aussitôt. Il éperonne l'adversaire: «Le statu quo qui paralyse l'action de l'administration pour protéger la mer.» Et passe à l'abordage en quelques mots: chaque année, sur les 100 millions de tonnes sorties des mers, 90% sont des «immatures», c'est-à-dire des petites bêtes de moins de 2 ans qu'on ferait mieux de laisser dans l'eau, pour qu'un jour elles se reproduisent!

Troadec n'a que l'embarras