C'est un fantôme éblouissant, si éblouissant qu'il en bouche la vue.
La fusée Ariane V qui a explosé le 4 juin, envoyant 40 milliards de francs en fumée, continue tel un malfaisant ectoplasme d'aveugler le monde spatial européen, français en particulier. «Mener à bien la fin du développement d'Ariane V est, aux yeux du gouvernement, la priorité absolue», a martelé mercredi dernier le ministre chargé de l'Espace François Fillon, à l'occasion d'une journée de colloque, à Paris, consacrée «au plan stratégique du Cnes». «Priorité absolue pour le Cnes et pour son président», précisait-il. Ce qui indique d'emblée le peu de marge de manoeuvre (1) dont dispose l'agence française de l'espace avec à sa tête depuis neuf mois Alain Bensoussan, tant que la démonstration de la qualité du nouveau lanceur européen n'aura pas été faite. Rude moment, donc, pour un plan stratégique, commandé voilà un an par le ministre, et qui aurait dû être présenté sous de meilleurs auspices. Devant les 350 participants, en majorité des industriels et des scientifiques, trônait d'ailleurs une superbe maquette d'Ariane IV, plus présentable que sa plus jeune soeur, maléfique.
«En trente ans d'existence, le Cnes n'avait jamais eu besoin d'élaborer un plan stratégique», a constaté François Fillon. Mais aujourd'hui, tout a changé: c'est «un nouvel ordre mondial» , insiste Jean-Yves Le Gall, qui a piloté l'opération «plan stratégique». Avec la disparition de la «bipolarisation du monde», le spatial cherche donc un n